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armand.vergne.over-blog.com 1943: l'histoire méconnue des Evadés de France par l'Espagne

Les évadés de France

Pierre Louchard
Les évadés de FranceLes évadés de France

L'histoire des Evadés de France par l'Espagne.

L'odyssée d'un jeune français pendant la guerre 1939-1945

 

Préambule

Armand Vergne, un ancien voisin de mes parents, avec qui je partage aujourd'hui la passion du football, et notamment celle pour les hommes en vert d'un club de la métropole lilloise, a eu 93 ans le 24 janvier 2017.

Je savais vaguement qu'il avait vécu quelque chose de très particulier pendant la seconde guerre mondiale.

Quand je me suis mis à m' occuper de lui pour les conduites au stade les soirs de match, il m' a raconté plus en détail son histoire, et j'ai fini par avoir envie d'en écrire un blog, pour la partager. Une petite habitude s' est alors installée, consistant à ce que je vienne le chercher plus tôt dans son appartement de la résidence-seniors Clairbois à Wasquehal, afin qu'il me montre ses archives pour que le récit puisse prendre forme...au fil du championnat.

A travers son parcours, et aussi par la grâce d'internet, j'ai découvert énormément de choses sur les quelques 20 000 jeunes français qui ont décidé en 1943 de rejoindre les Forces Alliées en Afrique du Nord, plutôt que de subir le joug des nazis et de leur STO. 

En fait, ma connaissance de la seconde guerre mondiale et de sa chronologie était morcelée et incomplète, et, en rédigeant ce blog, j'ai eu l'impression d'assembler un puzzle et d'illustrer la Grande Histoire à travers le parcours singulier d'un homme.

Je tiens à souligner que j'ai eu énormément de plaisir à écouter la faconde exceptionnelle de ce corrézien qui, même installé parmi les Cht'is il y a 60 ans, a conservé sa pointe d'accent méridional.

C'est donc Armand lui-même qui vous raconte son histoire, et travers elle, l'histoire encore méconnue aujourd'hui des Evadés de France par l'Espagne.

Pierre Louchard, avril 2017

louchard.pierre@neuf.fr    07 86 48 66 34

 

 

Bruits de bottes

En 1939, j'avais 15 ans, et j'habitais Brive-la-Gaillarde, en Corrèze, avec mes parents. 

Il se passait bien des choses en Allemagne, où un certain chancelier Hitler clamait qu' il redonnerait du lustre au pays après la défaite de la première guerre mondiale, tenait des réunions publiques géantes, haranguait les foules à grands renforts de mises en scène avec l'armée au premier plan.

Les pogroms faits aux juifs et aux minorités, ainsi que les affronts verbaux aux pays voisins se firent de plus en plus fréquents. 

Le 19 mars 1939, devant la montée des tensions en Europe, et en raison de l'attitude revanchiste et belliqueuse du régime d'Adolph Hitler, le parlement français fait voter une loi accordant des pouvoirs spéciaux en vue de la préparation d'un conflit.

Le 24 mai, Londres et Paris établissent un pacte d' assistance mutuelle en cas d' agression allemande contre la Pologne.

Le dimanche 3 septembre 1939, après l'envahissement de la Pologne en réponse à la destruction d' une station radio allemande sur la frontière, "attaque" qui s'avéra être une opération montée de toute pièces par les nazis à la recherche d'un prétexte, l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne à 11h, et la France à 17 h. Le Canada se joindra bientôt à elles.

Le 11 octobre, la Grande Bretagne envoie 138 000 soldats en France et en Belgique, et le Canada deux divisons d'infanterie.

Les évadés de France

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Commence alors une période de 7 mois, qualifiée de « drôle de guerre » pendant laquelle les armées semblent devoir rester sur leurs positions. Retranchés derrière la ligne Maginot, les Alliés attendent l'assaut des forces allemandes elles-mêmes retranchées derrière la ligne Siegfried. C'est un conflit sans combats majeurs si ce n'est quelques escarmouches de patrouilles de reconnaissance. On demande régulièrement à la population des exercices de protection: par exemple on apprend à utiliser les masques à gaz, "au cas où..."

 

Soudain, le 10 mai 1940, les Allemands se mettent en mouvement sur deux fronts: au Nord, elles attaquent le Danemark et la Norvège, et bloquent la Suède. Au sud, elles envahissent  la Hollande et la Belgique d'un côté, et le Nord de la France de l'autre. C'est la Blitzkrieg, la guerre-éclair: la Wehrmacht s'avéra parfaitement préparée avec du matériel de pointe et des liaisons radio chars-avions performantes.

Les troupes alliées et  françaises, britanniques, canadiennes et belges sont harcelées par les allemands sur tous les fronts dans un effet de tenaille par le Nord, par le Sud et par le milieu des Ardennes, réputées infranchissables.

  

la percée allemande (sources: Herodote.net et worldwar2-battles.com)
la percée allemande (sources: Herodote.net et worldwar2-battles.com)

la percée allemande (sources: Herodote.net et worldwar2-battles.com)

Les alliés sont contraints de se replier sur Dunkerque dans ce qui était devenu une poche ceinturée par la Wehrmacht. Les britanniques organisèrent en hâte un rembarquement vers l’Angleterre dans des conditions dantesques.

Ce fût alors la "débâcle": de Belgique et Hollande puis du Nord - Pas de Calais, de nombreux civils, mélangés aux colonnes de soldats battant en retraite, fuirent vers le Sud, parfois sans but, emportant de maigres bagages dans un chaos hétéroclite de piétons et de véhicules de toutes sortes. Ils subirent le feu des avions Stukas allemands en piqué, qui ne faisaient pas le distinguo entre soldats et civils, particulièrement aux nœuds routiers stratégiques.

D'ailleurs, avec des voisins, nous avons accueilli pour quelques temps une famille de réfugiés de Saint-Dizier, les Claeys, dont la jeune fille s'appelait Suzanne avec laquelle je me suis découvert bien des points communs: une solide amitié naquit entre nous.

Le 17 juin, le maréchal Pétain, nouveau chef du gouvernement français, déclare qu'il faut cesser le combat et proclame son intention de demander à l'ennemi la signature d'un armistice. Il signa le 22 juin 1940 la  capitulation française.

Un général, Charles De Gaulle, était parti à Londres quelques jours plus tôt avec l'intention de négocier avec les Britanniques, alliés de la France, la poursuite de la guerre. Il avait rencontré le Premier Ministre Winston Curchill, en émettant le souhait de pouvoir s'exprimer à la radio. Churchill donna son accord de principe et mit à disposition la BBC pour que l’appel à la résistance du Général de Gaulle soit diffusé sur ses grandes ondes qui portaient jusqu'au cœur de la France.


 

Ce discours fut le préambule de la création de Radio Londres, pour laquelle la BBC laissa quelques heures d’antenne quotidiennes aux français, avec notamment l’émission « les français parlent aux français » qui fut redoutablement efficace pour la diffusion de messages à la Résistance malgré le brouillage installé par les allemands.

Après la signature de la capitulation, le gouvernement français dut partir de Paris et s'installa à Vichy. La France fut alors coupée en deux par une frontière intérieure, la ligne de démarcation. Brive la Gaillarde était heureusement en zone libre.

 

zone de démarcation et poste de garde (source Wikipédia -  France Map Lambert)
zone de démarcation et poste de garde (source Wikipédia -  France Map Lambert)

zone de démarcation et poste de garde (source Wikipédia - France Map Lambert)

Bientôt, la situation se "calmant" vers le Nord, la famille Claeys décida de repartir dans la Meuse réintégrer sa maison, restée intacte. J'avais alors 16 ans, Suzanne et moi avons chacun de notre côté épinglé ces moments tendres et apaisants au rayon des souvenirs, tout en gardant quelques espoirs éventuellement entretenus par un peu de courrier échangé.

La guerre prit une autre dimension quand les Japonais, alliés des Allemands, attaquèrent Pearl Harbor en décembre 1941, faisant entrer les américains en guerre dans le Pacifique dans d'homériques combats.

Pendant ce temps, à Brive, le temps était comme suspendu,  la vie économique ralentie, les études terminées. C'était bizarre. La Résistance s'organisait, on entendait parler de pistes d'atterrissage nocturnes en pleine campagne et de largages d'armes et de matériel.

Un certain nombre de familles réfugiées étant restées, je créais alors avec des garçons de mon âge venus du Nord et de l'Est, une équipe de football de jeunes dans un quartier de Brive. C'était le "Boyer Football-Club" dont le siège était au café des glycines. Comme bon nombre de villages voisins en firent autant, nous pûmes disputer une sorte de championnat local.

Vu les restrictions de l’époque, les déplacements se faisaient en vélo. Les ballons en cuir étaient « faits main » et avaient des lacets de fermeture, on prenait des godasses avec des bouts carrés pour leur résistance, et les crampons étaient attachés dessous par des rondelles de cuir fixées avec des pointes. Dans sa cave, avec des matières de récupération, mon père excellait dans leur fabrication.

Le terrain était dans un pré à vaches, les vestiaires dans l’étable, sans eau courante. Les buts avaient été confectionnés avec du bois "récupéré" en douce dans une scierie. Les maillots étaient disparâtres tout en respectant notre couleur dominante: le vert et blanc.

Brive la Gaillarde (photos voyages sncf.com)

Brive la Gaillarde (photos voyages sncf.com)

Le 8 novembre 1942, les alliés américains et britanniques, sous le commandement du général Eisenhower, déclenchent l’opération Torch en débarquant en Afrique Française du Nord.

 Conjointement, les victoires britanniques d'El Alamein et soviétiques à Stalingrad marquèrent un tournant dans la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental.

La prise d'Alger se fit en un jour grâce à la Résistance française, alors qu'à Oran et au Maroc, les généraux du régime de Vichy, encore totalement inféodés aux nazis, accueillent les Alliés à coups de canon. La reddition des troupes françaises vichystes au Maroc eut lieu le 11 novembre. Des sous-marins allemands, arrivés sur les lieux le jour du cessez-le-feu, menèrent ensuite des attaques devant Casablanca jusqu'au 16 novembre.

Face à la menace alliée, les Allemands vont alors occuper, avec les Italiens au Sud-Est, la zone libre, c'est à dire à peu près toute la France, nous y compris.

Le gouvernement de Pétain à Vichy décrète le Service du Travail Obligatoire en Allemagne pour fournir de la main d'œuvre aux usines d'armement allemandes, et fonde le 30 janvier 1943 la Milice, pour lutter contre la Résistance.

La milice française suppléa rapidement la Gestapo dans la traque des Juifs et des réfractaires au STO .

Affiche de propagande de l' ORAFF (source Wikipedia)

Affiche de propagande de l' ORAFF (source Wikipedia)

La Résistance

Justement, en 1943, à l'âge de 19 ans, je suis rentré dans la Résistance par l'intermédiaire d'un camarade voisin dont le père, Léon Bronchart, conducteur de locomotives, avait fait preuve de bravoure en refusant de convoyer vers Paris le 31 aout 42 un wagon rajouté en queue de son train, constitué de personnes qualifiées de "prisonniers politiques" et s'avérant être des juifs et des réfractaires au STO.

Léon était ensuite devenu l'adjoint d'Edmond Michelet, chef du réseau de la région Limousin de la Résistance (et futur ministre des armées du Général de Gaulle). 

De mon côté, à Brive, j'avais pour tâche de distribuer le journal clandestin Combat aux camarades en qui j'avais confiance, et de dégrader les panneaux de signalisation allemands.

 

Les évadés de France

 

Un jour de février 1943, à midi, j'apprends par Edmond Michelet que Léon et son fils, mes voisins, ont été arrêtés par la Gestapo, venue avec un homme.

Le même homme, français, avec lequel plus tôt le matin j'avais parlé et marché pour lui indiquer son chemin tout en ayant dans mon blouson 30 exemplaires du journal clandestin Combat...inutile de préciser que si un seul exemplaire était tombé à mes pieds pendant notre conversation, je ne serai pas là à raconter mon histoire!

 

La décision de partir

J'avais deux amis également actifs pour la résistance, Lucien Chastaing et Roger Tible, et nous avions alors craint que les allemands aient la liste des membres du réseau. L'un d'eux avait un cousin parti rejoindre les Forces Françaises Libres en Afrique du Nord.

En une journée à peine, nous prîmes la décision de partir, répondant ainsi à l'appel du Général de Gaulle, qui marque le début de la France Libre formée de militaires et de volontaires pour poursuivre le combat contre les nazis sur terre, sur mer et dans les airs auprès.
 

 

Nous avions alors toutes les raisons de nous enfuir pour rejoindre les forces françaises libres du Général de Gaulle qui, depuis l'arrivée des alliés, commençaient aussi à se se concentrer en Afrique du Nord.

Lucien, Roger et moi-même primes la décision tenter la traversée des Pyrénées par les crêtes, les passages sur la frontière étant gardés par les soldats allemands, puis de traverser l'Espagne.

Les évadés de France

J'appris à la libération que lorsque les gendarmes français sont venus me chercher pour le STO, ma mère leur a dit "que voulez-vous que je vous dise? Il n'en fait qu'à se tête et il y a plusieurs jours qu'il est parti, sans prévenir. Je ne sais pas où il est, je n’ai plus de nouvelles! A cet âge, je ne pouvais pas l'attacher au pied de la table!". Les gendarmes sont repartis et mes parents n'ont heureusement jamais été ennuyés.

 

En route vers les Pyrénées

L'un de mes camarades connaissait une personne à Arles sur Teck dans les Pyrénées. Nous partons à trois par le train de nuit Toulouse-Perpignan. D'un café de Perpignan, nous appelons Mr Coste qui nous rejoint.

Il dresse notre itinéraire: le car jusque la barrière du Boulou, puis chemin à pieds à travers les vignobles et les taillis, en ayant comme point de repère la petite ligne de Chemin de Fer qui relie Céret à Amélie-les-Bains,  puis continuer jusqu'à Arles Sur Teck où il nous attendrait. La ligne était très surveillée, surtout les ponts et les tunnels.
 

Les évadés de France

 

A 9 h du soir , après avoir parcouru 40 km, nous retrouvons Mr Coste, qui nous fait rentrer par l'arrière de son habitation...au moment même où une patrouille allemande passait sur la route devant!

Nous passâmes deux jours chez Mr Coste avant de partir le soir vers la frontière, en traversant le Teck, de l'eau jusqu'aux genoux. Il commence à faire très noir, nous devons aller tout droit mais n'avons ni passeur ni boussole. Nous nous perdons, et il fait froid.

 

Dans la montagne

Nous évitions de cheminer en pleine journée. Certains moments, nous nous tenions par la veste pour ne pas nous perdre.

Un soir, à la tombée de la nuit, l'un d'entre nous buta sur un gros caillou, qui disparut dans la pénombre avant de toucher le sol au bout d' un assez long moment: nous sentions qu'il y avait du vide, aussi nous avons décidé d'attendre le petit matin en nous couchant sur place les uns sur les autres pour nous tenir chaud.

Au matin, nous avons constaté que nous allions droit vers un précipice!

dessin de Bernard J.Gaulthier, ancien Evadé de France. Patrouille allemande (archives Bild)
dessin de Bernard J.Gaulthier, ancien Evadé de France. Patrouille allemande (archives Bild)

dessin de Bernard J.Gaulthier, ancien Evadé de France. Patrouille allemande (archives Bild)

 

Evidemment, nous nous sommes complètement perdus. Après une nouvelle mauvaise nuit, sans pouvoir avancer à l’aveuglette car le danger était grand, nous sommes repartis aux premières lueurs du jour, fatigués et toujours aussi affamés, et nous avons vu un poteau indiquant que la frontière était assez proche, vraisemblablement sur la ligne de crête.

Peu après, nous avons vu une baraque. Nous étions sûrement en Espagne, et nous sommes allés toquer à la porte. Il était environ 6 heures. Deux Allemands à moitié endormis ne réalisent pas qui sont les jeunes devant eux. Nous bredouillâmes des excuses en reculant, avant de fuir…malheureusement vers la France..

Troisième journée sans manger ni boire. Heureusement, en fin de matinée, nous entendons un ruisseau où nous nous sommes désaltérés.

Puis, en  cours de descente, nous entendons des voix. Nous nous camouflons et voyons passer deux soldats allemands fusils à la bretelle, remontant le cours du ruisseau, sûrement à notre recherche. Le désaccord s’installe entre nous. Nous devons passer en Espagne, advienne ce qu'il pourra!

 

La frontière

Nous remontons, bifurquons et finissons par voir des soldats allemands postés à des cabanes, probablement sur la frontière. Ils font du feu et préparent un repas. Après les avoir bien observés et repéré cet endroit de la montagne, nous les avons contournés prudemment, en maintenant entre chacun 50 mètres de distance : si l'un de nous était pris, les autres gardaient une petite chance.

Nous avons pu refranchir le sommet de la montagne, avec une quasi-certitude que cette fois, nous n’étions plus en France. Nous marchâmes un long moment sur les chemins de traverse, prudemment puisque nous ne connaissons pas le pays et ses habitants.

 

En Espagne!

Nous finîmes par arriver à une ferme où une brave espagnole nous a donné à boire et à manger. Elle nous a fait comprendre qu'il ne fallait pas rester même pour nous reposer car des soldats allemands sont venus plusieurs fois demander si elle avait vu 3 jeunes fuyards, venus les réveiller au matin. Ils étaient bel et bien à notre recherche!

Elle nous a indiqué la direction d'un village qui s'appelait Sadernes. Là, nous avons décidé d'aller voir la Garde Civile, espérant qu'ils nous mèneraient à Figueras où nous pourrions prendre le train vers le sud. C'était un samedi après-midi: un carabinier nous a a accompagnés dans une ferme et nous fait comprendre que nous devions attendre le lundi où il reviendrait nous chercher et conduire. Le paysan nous laissa dormir dans la grange. .

Lundi matin, deux carabiniers viennent nous chercher et nous partons avec eux par autobus, avec d'autres voyageurs du village. Certains nous disent que normalement, les autorités nous feront passer un interrogatoire puis nous établiront des papiers pour continuer notre voyage vers l'Afrique du Nord à travers l’Espagne. C'était gagné!

autocar espagnol (blog De Vargas-Golarons)

autocar espagnol (blog De Vargas-Golarons)

Figueras...mauvaise surprise

A Figueras, les carabiniers  nous ont conduits dans ce qui ressemblait à un commissariat. Nous fûmes interrogés les uns après les autres. Nos noms furent inscrits sur un registre qui en comportait des centaines et des centaines, tous français!

On nous a pris nos empreintes digitales, photographiés avec une ardoise sur la poitrine portant notre nom et un numéro, comme on en avait vu pour les bagnards...confiscation de notre argent, rasoir, couteau puis départ vers....la prison!

Des français au crâne rasé vinrent nous demander de quelle région nous arrivions et quelles étaient les nouvelles en France. Puis, à notre tour, nous leur avons demandé depuis combien de temps ils étaient là. L’un a répondu "35 jours", un autre a dit "42 jours" et le suivant "52 jours, je crois".

Toujours persuadés que nous allions recevoir des papiers, nous leur avons demandé ce qu'ils avaient fait pour être retenus dans cette prison depuis aussi longtemps. Nous avons fini par comprendre que le régime dictatorial du Général Franco, qui avait gagné la guerre civile quatre ans auparavant, prévalait en Espagne. Son armée nationaliste avait fait interner énormément d'opposants républicains, et les français, qui arrivaient en nombre, n'étaient pas les bienvenus. Si Franco affichait une neutralité dans le conflit européen, arguant de ses frontières naturelles, il continuait plus ou moins à collaborer avec Hitler et Mussolini, envers qui il était redevable.

En effet, ceux-ci lui avaient fourni de 1937 à 1939 du matériel militaire qu’eux-mêmes souhaitent tester grandeur nature pour leurs préparatifs de guerre, lui permettant ainsi de réussir son putsch contre les républicains et le gouvernement en place.

Le Général Franco (images burbuja.info)

Le Général Franco (images burbuja.info)

La prison

A la prison de Figueras, on nous a mis dans une cellule de 2m50 sur 4 mètres, prévue pour deux, alors que nous nous y retrouvions à douze. Pas de bas flancs, un WC dans un coin sans couvercle et sans eau, le couchage directement sur le sol de brique et ciment, humide en toutes saisons.

La fenêtre est grillagée, et il est défendu de se faire la courte échelle pour regarder au dehors, car les sentinelles n'hésiteraient pas à tirer sur les têtes apparentes.

Pour dormir, nous ne pouvions nous allonger que rangés comme des sardines, tête bêche.

 

Les évadés de France
Les évadés de France

Le lendemain de notre arrivée, on nous a conduits chez le "barbero", un prisonnier politique dont la tâche était de nous mettre la boule à zéro. Tous les mois nous y repassions. Un camarade a fait une appendicite. Ils l'ont opéré comme ça, avec des ciseaux, le faisant souffrir atrocement, avant qu’il ne meure de septicémie.

Bibliographie Armand Vergne

Bibliographie Armand Vergne

Le soir, on nous apportait un genre de soupe faite de fèves, dans des écuelles en bois.

Le clairon sonne pour l'extinction des feux, et nous devons crier "Arriba Franco" mais les prisonniers français prirent l'habitude de crier "salaud" à la place de "Franco".

Dans les cellules, en guise de toilettes, il y avait dans un angle une tinette, sans couvercle, sans siège, sans eau...par la force des choses, il est rapidement devenu anodin de faire ses besoins devant tout le monde.

Pendant toute la nuit, c’était un défilé de ceux qui souffraient de diarrhée, et se précipitaient à quatre pattes dans le noir entre les corps, parfois sans réussir à se retenir avant d’avoir atteint le but....

Nous étions réveillés à 7 h 30 au clairon, puis, vers 8 h, appel pendant qu'on nous apportait un jus. De 11 h à 13 h, sortie dans la cour où se trouvait un robinet coulant dans une sorte d’abreuvoir. Une heure de queue en moyenne pour faire sa toilette, en général dans une eau déjà utilisée.

De retour en cellule, nous avions droit à un morceau de pain blanc et une soupe faite de quelques rares légumes, de lard rance et de haricots rouges, la plupart du temps habités par des charançons. Sortie à nouveau de 15 à 18 h dans la cour cernée de murs de 4 mètres de haut, appel à 18 h 30 puis re-soupe avant extinction des feux au clairon à 21 h.

J’utilisais pour oreiller mes brodequins avec lesquels j'avais fui la France, qui furent rapidement remplis de punaises. Toutes les nuits, celles-ci venaient se nourrir sur nos têtes. Nous les écrasions directement sur notre peau à tel point que nous nous levions avec de belles tâches de sang sur le crâne ainsi que sur le reste du corps.

Le matin, nous avions un ersatz de café et un pain de 200 gr par jour pour deux. Quant à la soupe, elle était faite soit de févettes, soit de pois chiches, soit de haricots verts avec leurs fils, mais si liquide que nous la buvions plus que nous la mangions. Cette sous-alimentation nous a à peu près tous amenés à avoir régulièrement de la dysentrie purulente. Nous perdions entre une et deux kilos par semaine.

Bibliographie Armand Vergne

Bibliographie Armand Vergne

Le dimanche messe pour tout le monde:  catholiques, protestants, juifs, musulmans, athées.... La cérémonie se terminait toujours par un paso-doble joué à l'harmonium par un prisonnier français, qui avait eu la mauvaise idée de traverser la frontière en emmenant son pistolet, et, à ce titre, avait écopé d'une longue peine après avoir risqué la fusillade.

 

La prison de Gérone

Cet enfermement à Figueras va durer pour moi deux bons mois, avant que je ne rejoigne, menotté à des camarades, celle de Gérone. La prison, un ancien couvent, était différente et possédait des cellules qui communiquaient entre elles, une sorte de grand couloir avec des toilettes où nous pouvions nous rendre à tout moment. Cependant dans les cellules, nous couchions à même le sol avec juste une couverture..

Nous pouvions sortir une heure par jour dans la cour, et pendant cette heure, nous marchions en permanence en rond pour nous dégourdir les jambes. Nous nous occupions comme on pouvait le reste de la journée, un des passe-temps favoris consistant à retirer les poux que nous avions à l'entrejambe de notre pantalon, que nous comptions dans une sorte de concours.

Un bassin dans la cour, où coule un petit filet d’eau, nous permet, en écartant la crasse et les poux flottant à la surface, de laver un tant soit peu nos chemises et pantalons, car nous sommes restés avec les vêtements que nous portions au départ de France.

Un jour j'eus de violents maux de tête, et un prisonnier belge me donna de l'aspirine. Les Belges et les Hollandais ont un régime spécial: ils reçoivent régulièrement des paquets de vivre et médicaments, par leur Consulat. Ils laissaient parfois dans leur gamelle quelques déchets sur lesquels nous nous précipitions.

En ce qui nous concerne, les français, la Croix Rouge nous adressait beaucoup plus rarement un colis car nous étions très nombreux. On y trouvait, outre une boite de lait en poudre, une orange et une banane: nous mangions les fruits intégralement, sans même les éplucher!

Ce séjour à Gérone durera jusqu'à fin novembre, soit 6 mois depuis notre départ. J'ai maigri de plus de 15 kilos et portais les mêmes vêtements.

Même si je ne l' ai pas connue, je dois évoquer le camp de concentration de Miranda del Ebro, tant j' en ai entendu parler par des camarades passés par le centre des Pyrénées et qui y avaient échoué. Ce sont les habitants de la ville qui s'étaient vu confier sa construction en 1937, sous supervision des alliés allemands des franquistes, au plus fort de la guerre civile. il fut bâti dans l' urgence en moins de deux mois et mis en fonction dans des conditions calamiteuses.

Sa grande capacité en fit un camp de récupération du trop-plein des prisons régionales. Les conditions de vie y étaient encore plus effroyables que ce que j'ai connu: à une absence d' hygiène quasi totale (36 wc à la turque pour 4 000 détenus) s'ajoutait une discipline féroce, les coups de crosse pleuvant à la moindre incartade réelle ou pas. Certains petits matin, on contraignait des internés à assister aux exécutions de prisonniers politiques républicains, en leur promettant que leur tour viendrait.

 

35 000 francs et un sac de blé

En hiver 43, avec la défaite allemande à Stalingrad, Franco sent tourner le vent de la guerre et devient de plus en plus réceptif à l'idée de laisser sortir les prisonniers non espagnols.

L’ambassade de France à Madrid était toujours aux ordres de Vichy, mais La Croix Rouge Française qui y était hébergée entrait en dissidence, menée par l’abbé Boyer-Mas, un personnage quasi-romanesque, qui prit contact avec les Forces Françaises Libres en Afrique du Nord. Finalement, il fut organisé avec les autorités espagnoles un troc entre les internés et des produits dont l’Espagne avait besoin: blé, phosphates et matériels divers.

Ma valeur marchande était de 35 000 francs de l'époque et un sac de blé!

Nous fûmes alors transférés chaines aux pieds deux par deux, par train jusqu'à Onténiente, station balnéaire. Je fus entravé avec un certain Régis Gomboux, qui m’apprit son titre de Bâtonnier de Paris en me faisant la confidence, non sans humour, que, avec sa boule à zéro, ses guenilles et les menottes, il espérait ne pas croiser dans le convoi de confrère ni de journaliste parisien.

Sur le chemin, avant la nuit, on nous mena à la prison de Valence, un immense bâtiment en étoile, ce qui n’était pas pour nous rassurer! Pour passer la nuit, nous fûmes conduits à un endroit de cette prison, où nous eûmes l'heureuse surprise d'y trouver des lits équipés de draps blancs....quel luxe soudain !

 

Les arènes de Malaga, puis l’embarquement

Nous pûmes en sortir le lendemain matin, et en arrivant à Ontienente, nous avons reçu des vêtements simples mais propres, des chaussures neuves, un rasoir, un blaireau et du savon. Nous partîmes alors librement, ce qui nous a fait tout drôle, pour Malaga, dont les arènes étaient le point de rassemblement pour les français. Nous y avons dormi quatre nuits, à nouveau sur la paille, car il nous fallait attendre des groupes qui venaient des prisons de Pampelune, Figueras, Lerida et Burgos, pour former un convoi vers l'Afrique du Nord.

Nous avons alors pu embarquer pour le Maroc sur les cargos français venus d'Afrique du Nord, le "Gouverneur Général l'Epine" et le "Sidi Brahim". Ce furent pour nous les bateaux de la Liberté.

le transporteur "Gouverneur Général Lépine". Bibliographie et carte d'Armand Vergne
le transporteur "Gouverneur Général Lépine". Bibliographie et carte d'Armand Vergne

le transporteur "Gouverneur Général Lépine". Bibliographie et carte d'Armand Vergne

L’Afrique du Nord, enfin!

Dans le port de Casablanca, une de nos premières images saisissantes et symboliques de la guerre à laquelle nous allions prendre activement part fut le cuirassé "Jean Bart", couché sur le flanc!

L' histoire de ce navire est rocambolesque: sa salle des machines n'était pas achevée ni ses hélices montées quand les panzers de la Wehrmacht firent leur apparition sur le littoral breton. La Marine Française parvint à le faire sortir des arsenaux de Saint Nazaire en pleine nuit et juste à temps pour qu'il ne tombe pas aux mains des allemands. Il échappa de peu aux avions de la Luftwaffe, dont il reçu néanmoins une bombe. Il fut conduit, endommagé,   jusqu'à Casablanca pour y être achevé. Puis il fut réquisitionné par le gouvernement de Vichy afin de s'opposer au débarquement allié en Afrique du Nord. l' US Air Force le mit alors hors état de nuire, et c'est cette vision étrange qui nous accueillit à Casa.

A l'approche des quais une formidable et inoubliable Marseillaise, fusa, hurlée à plein poumons par les voix de ceux qui venaient pour s'engager pour la libération de la France.

 

 

 

 

Les évadés de France
Les évadés de France

Nous nous rendîmes en ville où nous apprîmes que nous étions arrivés au moment d'un conflit politique franco-français. En effet, en novembre 1942, lorsque les Américains préparèrent leur débarquement en Afrique du Nord, Churchill, incité par le président Roosevelt, décida de ne pas en informer le Général de Gaulle ni de l'associer aux opérations.

 Le président américain à époque, considérait la France comme définitivement vaincue et ne voyait en De Gaulle qu'un aventurier, arrogant, dangereux, gaffeur, bref, indigne de confiance.

Churchill promut alors le général français Giraud au Commandement en Chef des Forces Françaises Libres d' Afrique du Nord. Il en résulta un imbroglio politique à Alger pendant plus de six mois, le Général de Gaulle menaçant même de transférer la France Libre ...à Moscou! 

Nous avons frôlé une guerre interarmées françaises entre les troupes dirigées par De Gaulle et celles dirigées par Giraud.

En dépit de ces atermoiements, les opérations continuaient. Chacun put s'enregistrer et s' entretenir avec des officiers pour s'engager dans une arme de son choix: marine, aviation, armée de terre...je n’avais pas d’idée préconçue de celle dans laquelle je pouvais m’engager pour rentrer dans le combat contre les nazis.

Le hasard voulu que fus sollicité par un officier aviateur venu parmi nous pour recruter, et me convainquit de m’engager pour les Forces Aériennes Françaises Libres du Général Vallin, stationnées au Royaume-Uni, en vue d'opérations de bombardement sur l'Allemagne et ses usines d'armement.

Cela sous-entendait que nous rejoindrions l'Angleterre par cargos, pour un long voyage sur l'Océan avec l'éventualité de croiser des navires de guerre allemands, et des U-Boot, redoutables sous-marins.

Je partis donc dan un premier temps faire un stage de mécanicien sur la base de Blida, à 40 km au sud d'Alger, avant d’être affecté au groupe de chasse "les cigognes" de Guynemer.

 

Périlleux voyage maritime vers l'Angleterre

A partir d'août 1943, les premiers équipages embarquèrent au port d'Alger pour l'Angleterre, en contournant l'Irlande du Nord pour éviter la Manche, trop dangereuse, et arriver à Liverpool. Nous partions en convois d'une trentaine de bateaux, les cargos transporteurs de troupes étant escortés par une flotte de protection.

Le paquebot Strathmore, réquisitionné en temps de guerre (source: P&O/Pandosnco/Times Archives)

Le paquebot Strathmore, réquisitionné en temps de guerre (source: P&O/Pandosnco/Times Archives)

convois maritimes (Wikimedia Commons)
convois maritimes (Wikimedia Commons)

convois maritimes (Wikimedia Commons)

D'ailleurs, les nazis assurèrent avoir coulé quelques-uns de ces bâtiments, dont le Strathmore, sur lequel j'avais embarqué, ce qui me permet d'affirmer qu'ils utilisaient largement ce qu'on appellerait aujourd'hui de la "désinformation".

A bord du navire, nous étions près de 5 000! Beaucoup dormaient sur les ponts extérieurs, dans des hamacs auxquels j'avoue n'avoir pas vraiment pu m'habituer...

Après douze longs  jours de navigation, nous arrivâmes à Liverpool

 

Patriotic School, Londres.

Toutes les personnes non britanniques débarquées au Royaume uni, à Liverpool comme ailleurs, furent convoyées par trains vers Londres, et conduites à la Patriotic School, un ancien et immense collège.

 

Les évadés de France

Les britanniques redoutaient particulièrement la "Cinquième Colonne", terme désignant une infiltration d'agents travaillant pour les nazis et chargés de préparer, d'organiser et de mettre en œuvre les sabotages préalables à l'invasion de la Grande-Bretagne par Hitler...

Le MI-5 (service de contre-espionnage britannique) était installé à la Patriotic School et y interrogeait toutes les personnes à leur arrivée au Royaume-Uni, en les détenant, le temps de vérifier qu'elles ne présentaient aucun risque pour la sécurité intérieure du pays.

Les agents du MI-5 se relayaient pour poser les questions les plus diverses et les plus circonstanciées sur l'âge, les origines, les relations, la façon dont chacun s'était échappé de France. Tout était mis sur fiche pour être vérifié et recoupé. Cela pouvait prendre du temps si l'enquête se poursuivait en France par l'intermédiaire des agents clandestins du Renseignement.

Joseph Kessel, le grand écrivain, qui fut lui aussi de l'aventure, évoquait magnifiquement la Patriotic School en ces termes:

" ...tous ceux qui, par les chemins de l’illégalité et de l’aventure, arrivaient jusqu’à cette Mecque des peuples étouffés et meurtris qu’était l’Angleterre, tous ceux-là ont passé par l’étrange édifice qui portait le nom également étrange de Patriotic School.

Là, en effet, se faisait un filtrage inévitable, indispensable. Les gens qui, pour lutter contre l’Allemand, débarquaient sur le sol de la Grande-Bretagne avaient des papiers incomplets ou faux ou n’avaient pas de papiers du tout. L’immense majorité parmi eux était venue dans le seul dessein de se battre contre les nazis. Mais quoi de plus facile pour un espion, pour un saboteur, que de prendre le masque et le personnage d’un volontaire ? Le contrôle le plus rigoureux, le plus minutieux s’imposait pour éliminer une infiltration funeste. Quels en étaient les méthodes, les moyens, les secrets ? Les dossiers et surtout les réseaux de l’Intelligence Service pourraient seuls répondre à cette question.

Quoiqu’il en fut, personne ne pouvait prévoir la durée de son séjour à la Patriotic School. Certains y restaient une semaine et d’autres des mois. Il arriva à quelques-uns de compter le temps par années. Et même d’en sortir seulement pour aller à la potence ou devant le peloton d’exécution.

Il faut dire que ces cas-là étaient rares, et que, à l’ordinaire, les interrogatoires achevés, et après les vérifications élémentaires, chacun était mis à la disposition des représentants de son pays réfugiés à Londres.

Il faut dire aussi que le régime, à Patriotic School, ne ressemblait en rien à celui des prisons ou des camps de concentration. On y était traité avec une courtoisie parfaite. Les lits étaient excellents et séparés les uns des autres par des rideaux. Il y avait des salles de bain et du savon en abondance. La nourriture, les rations de cigarettes étaient celles d’un mess britannique. On trouvait des livres dans la bibliothèque, des jeux dans les salles de réunion. On se promenait à sa guise dans le parc. Bref, le seul tourment infligé à Patriotic School était l’attente. Je crois qu’un ethnologue n’aurait pu choisir plus propice que ce lieu-là pour étudier la patience selon les nationalités. Presque chaque peuple de la planète avait ses représentants dans le pensionnat de Harmsworth. Je ne parle même pas des Français, des Belges, des Hollandais, des Norvégiens. Ceux-là se renouvelaient sans cesse, amenés par des bateaux à moteur, à voiles, à rames. Je ne parle pas davantage des Polonais, des Tchèques, des Yougoslaves, des Grecs qui glissaient, filtraient à travers les portières et gagnaient l’île de la lutte et de la liberté. Mais il y avait aussi des neutres : Suisses, Suédois, Espagnols, qui voulaient se battre. Il y avait des Italiens antifascistes et des Allemands antinazis. Il y avait des Noirs. Il y avait des Chinois.

Mais dans cette Tour de Babel, dans cette foule aux cent figures, aux cent langues, aux cent coutumes différentes, il y avait une entente profonde et un puissant ciment d’unité. Tous ces hommes, et d’où qu’ils fussent issus, avaient connu des peines, subi des épreuves pour une même cause. Et ils étaient tous sur le seuil d’une nouvelle vie. Les déceptions viendraient ensuite. Et les amertumes. Et les révoltes. Pour l’instant, c’était le no man’s land entre le passé qu’on avait fui et l’avenir plein de promesses. Jamais je n’ai vu un lieu où les hommes étaient si violemment travaillés par l’espérance."

 

 

 

Pour ma part, j'y restais une dizaine de jours, passant plusieurs interrogatoires dont un qui avait duré 4 heures....mes réponses étaient contrôlées avec des fiches. On me montra même la photo de la maison de mes parents!!!

Pendant le séjour à Patriotic school, et même si les raids aériens allemands sur l' Angleterre n’avaient plus la même intensité qu’au moment du Blitz, nous avons vécu des alertes aux bombardements.

Nous entendions les avions qui volaient assez bas et les tirs de DCA. Un soir, plusieurs d’entre nous ont été renversés par la déflagration d’une bombe tombée à proximité, et nous pouvions en apercevoir les incendies.

J'ajouterai que c'est à la Patriotic School que fut chanté en public pour la première fois, à destination des nombreux français, le "Chant des Partisans", juste après son enregistrement à la BBC, et j'eus la chance d'y être, même si sur le moment nous n’avions pas réalisé l’importance qu’allait revêtir ce qui deviendra l’hymne de la Résistance.

Anna Marly, russe francophone qui en avait composé la musique, le chanta elle-même, alors que Maurice Druon et Joseph Kessel, qui en avaient écrit les paroles, étaient dans l’assistance.

 

 

La base aérienne d'Elvington

Je fus finalement remis au Groupe de bombardement français "Guyenne et Tunisie", établi à Elvington près de York.

Juste avant de quitter Londres, deux copains et moi-même pûmes faire transmettre en France par Radio Londres à la BBC, un message codé avec nos prénoms qui indiquait que nous étions sains et saufs au bord de la Tamise. J'espérais que mes parents ou leurs amis écouteraient...ainsi que Suzanne.

La base aérienne d'Elvington était constituée de personnels entièrement français et devint la base opérationnelle des bombardiers Halifax qui furent rapatriés d'Afrique du Nord.

Les évadés de France
Les évadés de France

 

Les avions des groupes Guyenne et Tunisie furent rattachés au Bomber Command Group 4 de la Royal Air Force sous les dénominations de "squadron 346 Guyenne" et "squadron 347 Tunisie".

Je n’étais pas du sérail de l'aviation, alors je fus nommé responsable du mess des officiers, en dépit de mes protestations car j'avais fait un stage de mécano à Blida.

Même si les conditions et les infrastructures étaient excellentes, et que nous étions entre français et parfaitement bien accueillis par la population locale, la vie devint plus triste à l'automne quand le vent et la pluie arrivèrent et surtout au fur et à mesure des pertes subies: invariablement, nous comptions les absents au retour de chaque mission

Nous étions des jeunes gens qui voyions disparaître régulièrement un grand nombre de camarades et d'amis...

ll fallait faire en sorte de garder le moral et de maintenir la flamme d'une vie aussi normale que possible. Musiciens, bridgeurs, et autres passionnés étaient invités à former des clubs, y compris sportifs (que les footeux me pardonnent : c’est ainsi que je découvris le rugby car l’équipe de la base, française, participa à un championnat de la Royal Air Force): le mess était l'endroit de toutes les émotions!

Nous avions même réussi à organiser la venue de Joséphine Backer, en tournée en Angleterre, qui termina son récital par un baiser sur la joue du Lieutenant-Colonel Venot lui laissant avec son rouge à lèvres une parfaite empreinte qu’il laissa toute la soirée.

 

Les avions Halifax de la base

Le Halifax, qui équipe notre Squadron, est un avion bombardier et transporteur de troupes, avec quatre moteurs Rolls-Royce. Conçu à la demande de la Royal Air force, il effectua son premier vol d’essai en 1939 et fit sa première mission de guerre le 10 mars 1941.

Rapidement, des versions incorporèrent des tourelles  de défense disposées sur le dessus de la queue, sous le ventre et dans le nez de l'appareil.

L'équipage d'un Halifax est constitué de 7 hommes: le pilote, le navigateur, le bombardier-largueur, la radio, le mécanicien, le mitrailleur arrière, le mitrailleur supérieur.

Bombardier Halifax (document de l' Association des Anciens des Groupes Lourds)

Bombardier Halifax (document de l' Association des Anciens des Groupes Lourds)

Plus de 6 000 Halifax furent construits avant que la production ne cesse en 1946. En service avec la RAF Bomber Command les Halifax réalisèrent 82 773 missions  à partir de diverses bases anglaises.  1 833 avions furent perdus.

Concernant les missions aériennes, « Sarabande Nocturne », le livre du capitaine Louis Bourgain, pilote au squadron 146 raconte très bien les missions aériennes. En voici un extrait:

 

"Aujourd'hui, déclara au mess le Pilote Officier Jules, ils nous ont collé la grosse lessiveuse (bombe de 2 000 livres réservée aux objectifs majeurs). Ça veut dire, les amis, que nous partons au-dessus la Ruhr pour détruire les installations industrielles allemandes, et que allons former de grosses escadrilles. Lorsque nous éteindrons nos feux de position une fois passé les côtes anglaises, nous aurons des avions amis à gauche, à droite, au-dessus et en-dessous de nous, mais nous ne les verrons pas pas plus que eux ne nous verront! Si nous parvenons à éviter de nous rentrer dedans, alors cela sera relativement tranquille jusque l'Allemagne.

Bombardement sur Cologne.(souce Wikimédia Commons, gravure de W. Krogman)

Bombardement sur Cologne.(souce Wikimédia Commons, gravure de W. Krogman)

Nous pourrons alors commencer à numéroter nos abatis environ 2h15 après la Manche, car nous devrons franchir des rideaux d'une centaine de projecteurs anti-aériens chacun. Ceux qui se feront éclairer ne serait-ce que par un seul projo, le seront immédiatement par 10 autres et les tirs de DCA vont commencer. Et à peine aurons-nous largué nos bombes (et avec notre "grosse lessiveuse", nous avons vraiment intérêt à le faire!) nous devrons dégager sans regarder le résultat, car les chasseurs ennemis rentreront dans la sarabande".

Bombardier en mission diurne ((Bombercommandmuseum.ca) Canon de DCA Flack (Wikipédia-Bundesachiv)  -  Retour d'un équipage à Elvington (source: défense.gouv.fr)
Bombardier en mission diurne ((Bombercommandmuseum.ca) Canon de DCA Flack (Wikipédia-Bundesachiv)  -  Retour d'un équipage à Elvington (source: défense.gouv.fr)
Bombardier en mission diurne ((Bombercommandmuseum.ca) Canon de DCA Flack (Wikipédia-Bundesachiv)  -  Retour d'un équipage à Elvington (source: défense.gouv.fr)

Bombardier en mission diurne ((Bombercommandmuseum.ca) Canon de DCA Flack (Wikipédia-Bundesachiv) - Retour d'un équipage à Elvington (source: défense.gouv.fr)

Le Groupe 4 du Bomber Command, le nôtre, se joignit à de nombreuses opérations. La première fut le bombardement d'une station émettrice allemande à Cherbourg.

Ensuite, il participa à l' opération Fortitude, par la destructions de batteries côtières dans le Pas-de-Calais. En vérité, Fortitude était un gigantesque coup de bluff grandeur pour masquerles intentions des alliés dans le but de détourner la vigilance des allemands de la Normandie.

Puis vinrent surtout de très nombreuses missions sur l'Allemagne avec l’objectif de détruire l'industrie d’ armement nazie. Les deux groupes lourds français d'Elvington firent 131 missions et larguèrent 9 000 tonnes de bombes. 41 appareils ne revinrent pas, 176 membres d'équipages furent tués en opération, 32 à l'entrainement et 8 au sol soit 216 morts pour notre seule base.

 

Par trois fois, nous avons eu à faire face à des « maraudeurs », avions ennemis faisant soudain irruption au-dessus de la base.

En effet, des chasseurs allemands parvenaient parfois à se glisser dans les formations de bombardiers sur le retour . Tous feux éteints, ils volaient légérement en-dessous évitant ainsi d’être repérés. Ils attaquaient quand les pistes d’atterrissage s'éclairaient et que les Halifax se mettaient sur un axe constant en réduisant leur vitesse.

Les pilotes allemands, dans ces missions rageuses qu’ils savaient sans retour, réussirent ainsi à abattre quelques-uns de nos avions avant de mitrailler les bâtiments.  Heureusement, les haut-parleurs de la base nous prévenaient vite afin que nous puissions courir aux abris.

 

 

Evasion d'Angleterre!

Bien que les troupes alliées étaient arrivées de l'autre côté du Rhin et la France libérée, nous, en Angleterre, n'étions pas encore démobilisés.

 J'obtins une permission de quelques jours pour Londres chez mon ami Claude Séjourné. J'y rencontrais fortuitement le lieutenant Periers, aviateur, qui était en cellule en Espagne avec moi.

Comme il me dit qu'il était de l'Etat-Major, j'eus l'idée farfelue de lui demander de me faire un faux ordre de mission en France, car... je voulais revoir ma famille.

Il me traita de fou, mais je lui ai cassé les pieds si bien qu'il me fit cet ordre de mission pour la France, qui plus est pour Brive, précisant même sur le document qu'il fallait "faciliter le voyage de ce militaire français".

Il me conseilla d'aller sur la base américaine de Biggin Hill où des avions partaient quotidiennement pour Villacoublay près de Paris.

Arrivé à Biggin Hill, et après avoir envoyé un télégramme à Suzanne, je demandais au sergent US de service à qui je montrais mon ordre de mission, s'il y avait encore un avion pour Paris. Il me désigna un Dakota, à 100 mètres, qui partait dans la demi-heure.

Marchant dans les alentours pendant un quart d'heure, je vis arriver des officiers australiens, polonais etc. qui montent dans l'avion. Leur emboîtant le pas, je m'installais dans un coin de l'appareil. Un caporal de la base monta pour compter les passagers, en s'y reprenant à plusieurs fois en jurant, car il y en avait un de trop. Mais le pilote était pressé et le caporal finit par lui dire "Ok".

C''est ainsi que je m'envolais pour la France!

Armand Vergne en uniforme et battle-dress des sections françaises de la RAF

Armand Vergne en uniforme et battle-dress des sections françaises de la RAF

Mon "ordre de mission" me permit de rejoindre Paris et là, d'obtenir un billet de train pour Brive pour des retrouvailles émouvantes avec mes parents, mon petit frère, mes copains et copines, et, le lendemain, Suzanne.

J'y suis resté 4 jours. Mon père m’accompagna pour le retour à Paris, puis je regagnais Villacoublay, où je pris un vol vers la base aérienne américaine de Beggin Hills, toujours grâce à mon ordre de mission.

Aussitôt débarqué sur le sol anglais, pris par le temps car la fin de la permission était imminente, je n'avais d'autre choix que d'appeler à Elvington pour venir me chercher....

Cette histoire rocambolesque ayant fait le tour de la base, je me retrouvais devant le colonel Puget, son commandant. Quand je lui ai raconté l'histoire par le menu, le colonel a fermé la porte de son bureau et....m'a offert un whisky!

Plusieurs vols cross-tours furent organisés jusqu'au-dessus de villes allemandes, afin de montrer aux personnels de la base, qui, comme moi, s'étaient retrouvés affectés au sol, ce à quoi avait contribué leur travail. Je participais à l'un d'eux, à bord d'un Halifax et pus me rendre compte à la fois des conditions difficiles d'un équipage de bombardier et des dégâts considérables qu' avaient causé les bombardements sur le sol allemand.

Villes allemandes écrasées sous les bombes (sources: Wikimedia Commons- Bundesarchiv)
Villes allemandes écrasées sous les bombes (sources: Wikimedia Commons- Bundesarchiv)

Villes allemandes écrasées sous les bombes (sources: Wikimedia Commons- Bundesarchiv)

Fin de la guerre.


Les armées allemandes aient reculé sur tous les fronts depuis fin 1942. En 1944, les alliés débarquèrent en Normandie en juin, en Sicile et Italie en juillet, et enfin en Provence en août.

Les divisons blindées du Maréchal Leclerc libérèrent Paris le 25 août, et Strasbourg le 23 novembre.

 

 

 

 

La libération. Churchill & de Gaulle. Photographe armée anglaise et un enfant. (Sources Wikimedia Commons- Imperial War Museum)
La libération. Churchill & de Gaulle. Photographe armée anglaise et un enfant. (Sources Wikimedia Commons- Imperial War Museum)

La libération. Churchill & de Gaulle. Photographe armée anglaise et un enfant. (Sources Wikimedia Commons- Imperial War Museum)

 

En février 1945, Dresde est écrasée sous les bombardements alliés.

Le 25 avril, les troupes soviétiques et anglo-américaines se rejoignirent sur le fleuve Elbe, au milieu de l'Allemagne.

Le 30 avril, le suicide d’Adolph Hitler, terré dans son bunker de Berlin avec son dernier carré de fidèles, sonne le glas de l’Allemagne nazie.

 

Il revint à son successeur, l'amiral Dönitz, de demander la cessation des combats. Le général Alfred Jodl, chef d'état-major de la Wehrmacht, fut envoyé à Reims, au quartier général des forces alliées du général Dwight Eisenhower pour signer dans la nuit du 6 au 7 mai, à 2h40, la reddition de l'Allemagne qui précéda de 24h sa capitulation sans condition à Berlin, devant les chefs d' Etat américains et soviétiques.

 

La guerre se termine officiellement en Europe le 8 mai 1945. Elle laisse un bilan sans équivalent dans l'Histoire avec plus de cinquante millions de morts, militaires et majoritairement civils (400.000 Américains, autant de Britanniques, 600.000 Français, huit millions d'Allemands, dix à vingt millions de Soviétiques etc).

 

Malgré la capitulation de l'Allemagne nazie, et la fin de la guerre en Europe, son allié le Japon poursuit un combat désespéré contre les Américains dans l'océan Pacifique. Il faudra les deux explosions atomiques de Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945, pour le contraindre à capituler, près de quatre mois après l'Allemagne.

 

Pour nous, il va se passer quelques mois avant que le retour en France ne soit possible, et cette période est ponctuée par des festivités populaires auxquelles étaient invités les aviateurs français définitivement adoptés par la population anglaise.

Le retour des Groupes Lourds est programmé à la base de Bordeaux-Mérignac le 20 octobre 1945. Ils furent incorporés dans l'aviation française, et conserveront leurs Halifax qui seront mis aux couleurs bleu-blanc-rouge.

Quant à moi, je fus parmi les tous derniers français à quitter la base, en compagnie du commandant Puget, car je devais faire l'inventaire et clore les comptes administratifs.

Quelques chiffres sur les Evadés de France par l' Espagne

Pour autant, notre histoire, l'histoire des Evadés de France par l’Espagne, reste relativement méconnue. Je voudrais donner quelques chiffres:

- environ 30 000 personnes dont 460 femmes tentèrent de rejoindre l'Afrique du Nord par l'Espagne pour rallier et combattre avec les Forces Françaises Libres

- prés de 600 périrent dans les Pyrénées, de froid et de faim dans les cols enneigés, de chutes dans des précipices ou crevasses, ou encore tués par les gardes-frontière allemands.

- prés de 5 000 furent interceptés à la frontière et déportés en Allemagne.

- entre 900 et 1 000 moururent dans les prisons espagnoles, de maladie ou de mauvais traitements.

- environ 23 000 réussirent à rejoindre l'Afrique du Nord.

- entre 12 000 et 15 000 trouvèrent ensuite la mort sur différents théâtres des opérations

 

 

 

 

Quelques personnages de cette histoire

 

Je tiens à citer quelques acteurs de cette histoire, en commençant par ceux qui m’ont été très proches:


 

 

 

 

- Léon Bronchart, que j’ai évoqué dans les premières pages de ce récit. Père d' un de mes camarades de Résistance à Brive, cheminot et authentique héros, il a reçu en 1994, comme Edmond Michelet, le titre de « juste parmi parmi les nations » et fut inscrit aux mémorials de la Shoa, à Paris et à Jérusalem.

 Mon frére Jean-Louis, resté corrézien, a beaucoup oeuvré pour convaincre les autorités correziennes d’apposer une plaque à sa mémoire dans la nouvelle gare de Brive-la-Gaillarde, ce qui fut fait en mars 2016.

Apposition de la plaque commémorative en gare de Brive (source Brive Magazine)
Apposition de la plaque commémorative en gare de Brive (source Brive Magazine)

Apposition de la plaque commémorative en gare de Brive (source Brive Magazine)

- Roger Tible et Lucien Chastaing, mes camarades de Brive avec lesquels nous avons formé un trio un peu fou et inconscient pour ce voyage. Je les ai perdu de vue en Espagne, au gré des changements de prison. Roger a été tué par les allemands en participant à la libération de Belfort. Lucien est revenu de la guerre grièvement blessé et handicapé. Cela a précipité son décès à l'aube des années 2000.

 

- Edmond Michelet. Il faudrait 3 pages pour décrire sa vie! Avant la guerre, exerçant le métier de représentant de commerce, il est aussi président de la Jeunesse catholique de la Corrèze

Dès l’invasion allemande, il rentre en Résistance et devint Chef du mouvement Combat pour le Limousin sous le nom de Duval et  je travaillais pour lui. Arrêté à Brive par la Gestapo, il est envoyé en septembre 1943 à Dachau.

De retour de déportation, il est délégué à l'Assemblée consultative au titre des prisonniers et déportés. Il devint plusieurs fois ministre du Général de Gaulle.

Edmond Michelet obtint les plus hautes distinctions françaises, dont celui de Commandeur de la Légion d’Honneur et reçu, le titre de Juste parmi les Nations, inscrit aux mémorials de la Shoa, à Paris et à Jérusalem. Des écoles et des rues dans toute la France portent aujourd'hui son nom.

(voir lien vers le site du centre Michelet à Brive en fin de blog)

 

 

- Maitre René Gomboux, d'autant plus proche que...nous avions été enchainés ensemble pour aller de Gérone à Onteniente.  Le grand bâtonnier de Paris pratiquait si bien l’autodérision!

 

Egalement, quelques figures plus ou moins célèbres, qui furent de la même aventure :

- Joseph Kessel: journaliste, écrivain, membre de l'académie française, passé, par Patriotic School.

 

- Maurice Druon: écrivain, homme politique, ministre,qui fut ensuite membre de l’Académie Française, passé par Patriotic School.

 

- André Poniatowski: homme politique, plusieurs fois ministre d'état. Il avait  rejoint ensuite la Corse où il s'est engagé pour se faire parachuter en France et rejoindre la Résistance.

 

- Colonel De Lattre de Tassigny, devenu maréchal, un des grands chefs de l'armée de française de Libération, qui mena la campagne victorieuse "Rhin et Danube" contre le III Reich et représenta la France à la signature de la capitulation allemande à Reims puis à Berlin le 8 mai 1945. 

 

- Pierre Dac, écrivain, humoriste et acteur. Pierre Dac fut, à Londres, un des speakers de la France Libre dans l' émission "ici Londres" sur les ondes de la BBC.

 

- lieutenant Pierre Gallois, devenu par la suite Général responsable de la Dissuasion Nucléaire Française.

 

Henri Delaunay, pilote de l’Aéropostale ( dont la devise du fondateur est magnifique: «j'ai refait tous mes calculs: notre idée est irréalisable.  Il ne nous reste qu'une chose à faire : la réaliser. »). Henri Delaunay devint ensuite commandant de bord sur le Concorde

 

Abbé Maurice Cordier. Premier Président de "l’Association Nationale des Evadés  de France par l’Espagne". En Afrique du Nord, il rejoignit les rangs, de la 2éme Division blindée du général Leclerc, et participa à la libération de Paris le 25 août 1944. L'abbé Cordier suivit l'armée française jusqu’à la résidence du Führer à Berchtesgaden dans les alpes allemandes, en avril 1945.

Le 12 novembre 1970, l’homélie des funérailles du Général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises est prononcée par l'Abbé Maurice Cordier.

 

Et enfin je voudrais évoquer des compagnons de la même aventure, que j' ai rencontrés par la suite dans les associations patriotiques lorsque je me fus établi dans le Nord une dizaine d'années après la guerre:

  

- Général Gambiez et Colonel Cavillon, qui furent chargés ensuite du commandement du fameux 43ème R.I.à Lille.

 

- Edmond Lehembre, qui rejoignit la 1ère armée française du Maréchal de Lattre de Tassigny, et devint par la suite une grande figure tourquennoise.

 

- Maurice Vandekerkhove, qui travailla sur le journal clandestin « les petites ailes du nord » avec Jacques-Yves Mulliez, personnage atypique, d’abord soutien de Pétain, devenu ensuite résistant contre l’occupation allemande, puis dévoué au Général de Gaulle, avant d’aller combattre les Allemands jusqu'en Norvège.

 Je côtoyais Maurice, sans plus, dans l’association du Nord-Pas de Calais des Evadés de France, jusqu'à une cérémonie au monument aux morts place Rihour à Lille, où fut joué « le chant des partisans ». Maurice était derrière moi et eut la bonne idée de dire à son voisin « ça me rappelle la Patriotic School de Londres… »

 

- Edouard Pick dont je tiens tout particulièrement à saluer la mémoire:

Il a beaucoup témoigné dans les Lycées, les Collèges et associations, sans jamais hésiter, non sans un certain courage et hauteur d'esprit, à expliquer que, lui, comme beaucoup d’autres français au début de la guerre, avait d'abord vénéré le Maréchal Philippe Pétain. 

En effet, vainqueur de la bataille de Verdun en 1917 et auréolé d'un grand prestige, Pétain avait soulevé un immense espoir quand il arriva à la tête du Gouvernement en mai 1940, après le début de l'invasion allemande. Espoir qui fut de courte durée: il a signé la capitulation, puis quelques semaines plus tard, il a rencontré Hitler à Montoire, pour lui prêter allégeance et engager la France dans la voie de la collaboration. Enfin, il fut révélé bientôt que Pétain avait manigancé pour se montrer comme le sauveur et se faire nommer chef de l’Etat.

Edouard devint donc un authentique résistant, lui aussi Evadé de France par l'Espagne, et rejoignit  les Forces Françaises Libres en Afrique du Nord.  Incorporé dans la première division, il fit notamment la campagne d'Italie et le débarquement en Provence.

Alors que j'étais Président des Evadés de France pour notre région, Edouard Pick présidait l' association de la France Libre pour le Nord. C'est désormais son fils, Max-André, par ailleurs actuellement 1er adjoint au maire de Roubaix, qui a repris le flambeau pour les commémorations.

 

- Claude Séjourné, tourangeau, rencontré dans les geôles espagnoles, et à la Patriotic School, qui devint mon ami et grâce à qui j’ai trouvé du travail dans le Nord. Claude fut désigné pour me remettre en 2012 l'insigne de Chevalier de la Légion d'Honneur en mairie de Croix.

 

 

 

 

 

 

Pour conclure, je tiens à dire que, si je suis fier de ce que j'ai entrepris à 19 ans, et d' avoir enduré ces épreuves sur le chemin de l'Afrique du Nord et de l'Angleterre, j'éprouve aussi un sentiment mitigé d'inachevé à cause de mon  affectation trop administrative sur la base d'Elvington…assister à ces retours de missions où des camarades ont laissé leur vie m'a laissé un goût amer, difficile à faire passer, parce que je n’ai pas directement travaillé sur les avions partis pilonner l’ennemi, comme je le voulais au départ. Ce sentiment m'étreignait encore pendant les commémorations.

Armand Vergne reçut les distinctions suivantes:

* Chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur

* Médaille des Evadés combattants volontaires de la Résistance

* Médaille de la Déportation et Internés Résistants

* Médaillé du Bomber-Command

* Médaille britannique de la guerre 1939-1945

* Médaille de la Reconnaissance de la Nation

* Membre honoraire de la stèle du Général de Gaulle

photos collection Armand Vergne. Réception dans les magnifiques salons de la mairie de Croix, à l' initiative de Mr Régis Cauche, maire.
photos collection Armand Vergne. Réception dans les magnifiques salons de la mairie de Croix, à l' initiative de Mr Régis Cauche, maire.
photos collection Armand Vergne. Réception dans les magnifiques salons de la mairie de Croix, à l' initiative de Mr Régis Cauche, maire.
photos collection Armand Vergne. Réception dans les magnifiques salons de la mairie de Croix, à l' initiative de Mr Régis Cauche, maire.

photos collection Armand Vergne. Réception dans les magnifiques salons de la mairie de Croix, à l' initiative de Mr Régis Cauche, maire.

Armand Vergne fut très actif pour perpétuer le souvenir des Evadés de France et des Groupes Lourds français en Angleterre.

Il présida à plusieurs associations patriotiques dans le Nord-Pas de Calais.

 

Participa à de nombreuses assemblées générales de vétérans sur tout le territoire, conférences, levées de fonds, notamment pour la mise en place de stèles commémoratives,

Participa à de nombreuses cérémonies. Les plus marquantes pour Armand furent:

 

* L'inauguration au YAM (Yorkshire Air Museum) pour l'achèvement de la restauration du Halifax retrouvé dans la boue en Norvège 

 

 

 

* La remise du drapeau de la section Nord-Pas de Calais des Evadés de France au musée de la Résistance de Bondues.

 

 


 

 

 

* La messe dédiée aux aviateurs français en la magnifique cathédrale de York en octobre 2011.

collection A. Vergne

 

 

* La grande cérémonie du 70 ème anniversaire du débarquement de Normandie, à Ouistreham, en juin 2014, sur invitation de la présidence de la république.

 

 

 

Les commémorations du 70 ème anniversaire du débarquement, en présence de nombreux chefs d' état dont le président américain Obama. Armand et ses fils Pascal et Jean Michel
Les commémorations du 70 ème anniversaire du débarquement, en présence de nombreux chefs d' état dont le président américain Obama. Armand et ses fils Pascal et Jean Michel
Les commémorations du 70 ème anniversaire du débarquement, en présence de nombreux chefs d' état dont le président américain Obama. Armand et ses fils Pascal et Jean Michel

Les commémorations du 70 ème anniversaire du débarquement, en présence de nombreux chefs d' état dont le président américain Obama. Armand et ses fils Pascal et Jean Michel

Lieux à voir aujourd'hui sur les traces d'Armand

En France

Brive la Gaillarde

Centre Edmond Michelet - Musée de la Résistance

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Bondues dans le Nord

Musée de la Résistance dans le Nord

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Armand y a remis le drapeau de l'Association des Evadés de France du Nord- Pas de Calais, quand elle a, comme ses homologues des autres régions, été dissoute pour être réintégrée dans une unité commémorative nationale des Evadés de France à Paris, à la Maison de la France Libre.

 

Drapeau remis par Armand Vergne au Musée de la Résistance à Bondues et toujours exposé.

Drapeau remis par Armand Vergne au Musée de la Résistance à Bondues et toujours exposé.

 

Bordeaux-Mérignac

Stèle commémorative des "groupes lourds", stationnés à Mérignac et réfugiés en Afriques du Nord d' où ils partirent en 1943 vers l'Angleterre sur la base d'Elvington afin de participer à l’offensive aérienne sur l’Allemagne nazie en 1944 et 1945. En octobre 2015 eut lieu une cérémonie franco-anglaise pour le 70ème anniversaire de leur retour.

Grandcamp Maisy

Stèle aux groupes Lourds Guyenne et Tunisie à Grandcamp Maisy, en Normandie sur les plages du débarquement, près de la pointe du Hoc

 

En Espagne:

Figueras.

La prison existe toujours

 

 

 

 

 

Plaque commémorative sur le mur de la prison de Figueras (photo Pascal Vergne)

Plaque commémorative sur le mur de la prison de Figueras (photo Pascal Vergne)

En Angleterre

 

Londres:

 

PATRIOTIC SCHOOL (aujourd'hui Royal Victoria Patriotic Building), John Archer Way, London

Sud-Ouest de la Tamise, entre Battersea et King Georges' Park.

 

ROYAL AIR FORCE MUSEUM, Grahame Park Way, Hendon (quartiers nord de Londres)

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Yorkshire

 

YORKSHIRE AIR MUSEUM, Elvington

La base aérienne, devenue mémorial pour les groupes lourds

 

CITY OF YORK

Mémorial aux aviateurs français dans la cathédrale. York est une superbe citée médiévale, où les français de la base d’ Elvington avaient l’habitude d'aller se changer les idées dans les nombreux bars et restaurants et aussi magnifiques rues, jardins et parcs..

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Retour à la vie civile :

 

La guerre finie, Armand épousa Suzanne.

Elle lui donna trois garçons et il prit un travail de dessinateur industriel à Paris, avant d'accepter en 1958 un poste basé dans le Nord, pour représenter une célèbre marque de chaussures. 

Les évadés de France

 

Armand et Suzanne s’installèrent définitivement dans la région lilloise.

 

 

La vie Associative: le football

Armand, qui avait la charge de 15 départements, parcourut près de 4 millions de kilomètres et "consomma" dans sa vie professionnelle prés de vingt Peugeot, d' où le fait qu' il se soit toujours intéressé au club de Sochaux.

Pascal, un de ses fils, s'inscrivit au football à l'Iris Club de Croix dont la couleur dominante est le vert, comme pour rappeler  Armand des souvenir de footballeur à Brive.  Armand devint donc «papa-chauffeur-supporter» pour les déplacements de l'équipe de jeunes et finit par se rapprocher des dirigeants du club, où l'on avait besoin d'un coup de main pour diverses tâches.

Pour la petite histoire, Pascal avait un coéquipier que véhiculait aussi Armand: Joël Lortihois. Son fils, Lilian, joue actuellement dans l'équipe-fanion de Croix, en quatrième division française. Quand les joueurs font leur entrée sur le terrain, Armand demande: " il est où, Lortihois"?

Est-ce l'intuition ou sa fameuse baraka évoquée à Elvington par le pacha de la base? Toujours est-il qu'il fit une excellente pioche avec l'Iris car ce club avait créé un tournoi de football cadets qui se développa incroyablement jusqu’à devenir l’un des plus, sinon le plus, connus de France.

Cela permit à Armand de satisfaire son goût du contact et la maîtrise de l'anglais: il devint un épatant délégué qui accompagna les formations étrangères dès lors que le tournoi devint international dans les années 60.

En 1966, Armand eut l’énorme plaisir de recevoir les dirigeants et joueurs du club de Leeds United, ville anglaise proche de York.

Le tournoi international de football de l'Iris Club Croix dans les années 60-70 (Nord Eclair)
Le tournoi international de football de l'Iris Club Croix dans les années 60-70 (Nord Eclair)

Le tournoi international de football de l'Iris Club Croix dans les années 60-70 (Nord Eclair)

 

 

 

Les évadés de France

Armand en vint rapidement à prendre en charge les archives du club, principalement en ce qui concerne le tournoi, et ce, pendant 40 ans….

photo Voix du Nord

photo Voix du Nord

 

 

        

Pour son implication dans la vie sportive, Armand Vergne reçut les distinctions suivantes:

* Médaille de bronze 1992 de la Jeunesse et des Sports

* Médaille de d'argent 2001 de la Jeunesse et des Sports

* Médaille de d'or 2014 de la Jeunesse et des Sports

Remise de la médaille d' or par Mr Le Préfet du Nord
Remise de la médaille d' or par Mr Le Préfet du Nord

Remise de la médaille d' or par Mr Le Préfet du Nord

 

   

dans la tribune de l' Iris Club de Croix en 2017, Armand a 93 ans

dans la tribune de l' Iris Club de Croix en 2017, Armand a 93 ans

Remerciements

Merci à Armand Vergne, Jean Michel Vergne, Hélène Priégo du Musée de la Résistance à Bondues pour ses suggestions et conseils, à François Vilquin de l' Iris Club de Croix Football pour la relecture de mon premier brouillon et l'accès aux archives du club.

Merci virtuel à l'association Wikipédia, à laquelle je ne manque jamais de faire un don annuel.

Cette biographie a été déposée sous enveloppe Soleau.

Pierre Louchard

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